ANNIE PALISOT reconstruire le monde en douceur  (Willy Dory, septembre 2003)
 


Sculpteur et céramiste,
Après des études de sculptures à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, elle devient, de 1965 à 68, l’assistante du sculpteur Moeschal.
Des distinctions et prix nombreux saluent l'excellence de son travail : grande distinction, médaille du gouvernement, grand prix Olivetti en 1967, prix du Ministère de la Culture française, prix de sculpture en plein-air à Forest...
Depuis 1961, elle participe à de très nombreuses expositions d’ensemble et personnelles, Faenza, Forest, Brest, Hélécine...
Depuis 1978, elle participe aux rencontres de sculpteurs des Avins-en-Condroz... Dès 1979 elle est membre active du groupe « Anim’Art ».
Annie Palisot est sculpteur. Elle taille la pierre et modèle la terre, le plâtre.
Elle élève lentement ses formes en terre, en prenant le temps de les sentir, Lorsqu'elle attaque la pierre, elle s'impose un long dialogue d’approche, presque d’apprivoisement, comme pour lui demander sa participation.
 
De la céramique à la sculpture, Annie Palisot recherche la forme pure pour sa douceur, en même temps que pour sa force.
Le plaisir de la caresse renaît de la vision de ces formes souvent très sensuelles. On imagine la main d’Annie Palisot chercher au plus profond de sa matière, la forme qui correspond le mieux à son émotion.
 
Être au monde.
 
Trois ans déjà qu’Annie Palisot, après avoir vécu en Hesbaye, s’est attachée à un petit bout de terre du Condroz entre Ciney et Havelange. Pour pouvoir se remettre à l’ouvrage, elle a arpenté le paysage de long en large, trouvé ses marques, cerné son territoire. ll lui ressemble.
 
L’œuvre d’Annie Palisot s’est depuis le début toujours articulée sur deux modes d’élaboration : la taille de la pierre et le modelage de la terre, le retrait de la matière et son ajout. Deux modes qui se sont souvent opposés; les uns estimant devoir trouver la forme enfouie dans la matière, les autres la cherchant dans la construction depuis l’informe, le visqueux, le collant. Les uns abordant la forme du haut en bas, les autres nécessairement du bas vers le haut.
 
Annie Palisot n'a jamais pris position, estimant complémentaires ces modes d’expression.
Tailler la pierre, faire des pots, créer un volume en terre, peu importe, chaque technique n’est qu’une manière d’être au monde.
« Etre au monde », la vraie et seule préoccupation d’Annie Palisot: comment, modestement, participer au grand-oeuvre, exister.
 
En devenant inventeur de pierres.
 
Annie Palisot veut être dans l’imaginaire d’un acteur de la création, mettre son grain de sel dans le processus.
Apporter sa pierre à l’univers, donner forme au chaos.
 
Les formes plastiques d'Annie Palisot émergent telles des graines closes, qui ne cherchent pas nécessairement à s’élever, mais à trouver la juste taille qui les fera vivre. Sous les peaux qui les enveloppant, ses formes en céramique baillent légèrement, juste pour laisser deviner le vide autour duquel elles s’enroulent; à l’opposé, le toucher de la pierre grenue ou polie alimente nos rêveries éveillées sur le fruit qui s’y trouve enchâssé.
Toutes ses formes parlent de vie, de gestation, de promesses de printemps.
 
Ses œuvres disent les choses explicitement, et comme autant d’objets de méditation et de médiation,
les titres parlent : fusion, harmonie, émergence, convergence, éclosion, cœur déployé, rencontre, miroir...
 
Annie Palisot a besoin de faire...
 
Et faire n’est jamais anodin. L'atelier, elle ne s’y rend que par nécessité, quand le devoir l’appelle, après lente maturation, recentrée, prête. Lieu d'élaboration, d'énergie de transformation de la matière, l'atelier est devenu ce lieu au centre du monde. Ce lieu de solitude qui permet à Annie Palisot d’être au monde est aussi un lieu d'écoute et d’attention à l’autre; ce lieu de la connaissance que Daniel de Montmollin exprime si justement dans 'Philippe Lambercy : le cœur au bout des doigts'  : « Cependant, pour qu’elle devienne un tel agent d’émotion méditative, c’est-à-dire pour qu’elle trouve sa place dans la contemplation qui est, elle aussi et à son tour, un champ de création, il faut qu‘une œuvre soit l'empreinte d’un authentique vécu. »
 
Annie Palisot nous livre avec sincérité ses clefs pour mieux vivre.
 


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Texte écrit pour la présentation d'Annie Palisot au catalogue de la Biennale de Brest, 1991
(Pierre van Craeynest).
 

A pleins bras soulever, serrer, serrer,
embrasser encore, et puis reposer,
caresser encore, et regarder, et si
votre coeur parfois se coupe, retendez
la main plus doucement, puis entrez,
fermez les yeux, sous la peau que voyez-vous ?
                                       Tout au coeur, tout dedans.
 

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Ce qu'Annie Palisot suggère.  (François JACQMAIN)
 

La référence constante à la naissance est une caractéristique inévitable du la nature humaine. Chez Annie Palisot, le temps d'avant le temps n'est pas un état chaotique. Sa conception du commencement ne suggère ni le désordre de 1a nuit, ni le règne de l'informe douloureux.
Sa sculpture parle d'une maturation sans heurts. Chez elle, la première forme n'est pas née du tumulte, mais d'une lenteur souple et inspirée.
 
Les outils d'Annic Palisot ne sont pas seulemant la pointe et la masse, mais aussi la main. Son approche de la matière s'effectue par un frôlement qui appelle la forme. Elle nous invite à partager son plaisir tranquille d'être devant la figure élue. Elle ne tente pas de nous bouleverser indûment. Elle suggère que  ce qui est   est en deça et au delà de toute inquisition; son regard nous aide à découvrir cette dynamique de la stabilité.
 
Lorsqu'une forme se développe, on constate que celle-ci tente aussitôt un retour à une forme antérieure. La forme est le souvenir de la forme. L'antériorité fournit à l'artiste la pulsion de la création; c'est là un des paradoxes essensiels de sa démarche.
Annie Palisot Palisot érige des propositions matérielles qui commémorent le temps. Elle maîtrise le flux et le reflux de la forme.
 
« L'homme pense parce qu'il a une main. » dit la philosophie antique. Nous devons considérer l‘oeuvre et chaque sculpture d'Annie Palisot comme un commentaire et une réflexion.
Le monde d'Annie Palisot, nonobstant le support incontestablement matériel de sa réflexion, reflète avec insistance la primauté d'une essence.
 
Annie Palisot n'est pas tourmentée par la recherche de particularités inédites, de singularités foncières. Elle médite avec le matériau de l'intuition : elle vise l'adéquation.
Son expression est aussi une introduction à ce qui la précède. Se sculpture résonne des rumeurs d'événemente préformels. Il s'agit d'une sorte d'archéologie de l'intimité.
 
L'oeuvre d‘Annie Paliaot affirme une félicité calme, un bonheur sans calcul. Se sculpture est une révélation de soi par les voies de le quiétude : une sorte de réverbération innée nous confirme ce propos. Son exposé plastique ne s'égare pas dans le mouvement; le matière, semble-t-il, continue de soutirer ses proportions de sa propre immobilité. Elle fait l'éloge du corps vertueux de l'immobile.
 
Annie Palisot met au jour des conjonctures de l'évolution dont le nature n'est pas définie. Elle se souvient des formes qui sont restéee muettes. mais réelles, dans le corps. Elle perçoit le murmure lisse des éléments qui sont à peine séparés de l'eau. Il n'y a aucune agressivité, aucun délire de séduction, aucune impétuosité rugueuse en elle.
Elle témoigne d'une entité satistaite.
 
Annie Palisot ne s'écarte de l'arrondi qu'à pas mesurés. Cependant, lorsqu'elle aborde une forme plus décisive, elle n'en conserve pas moins de fortes attaches avec la sphérité originelle.
Au reste, son oeuvre n'insiste guère sur le devenir de l'homme ; elle ne lance pas celui-ci dans l'histoire.
On remarquera aussi l'absence, sinon le refus de l'anecdote, du récit littéraire de la forme. Ce fait contribue à nous convaincre davantage de le qualité intrinsèque de son art.
 

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Présentation des sculptures monumentales d'Annie Palisot - Maison de l'image à Ferrières, septembre 1988  (José Strée)
 
Il est peu courant qu'une sensibilité féminine s'adonne à la sculpture monumentale, et dans un matériau aussi rude que la pierre. Pourtant, aucun défi, aucune volonté d'émancipation dans la démarche sculpturale d'Annie PALISOT.
 
C'est la règne des formes, de la douceur, de la rondeur et du mouvement lent qui se déploie devant nos yeux étonnés. Glissant contre les parois, caressant les surfaces comme le font les rayons du soleil, notre regard éprouve un étonnant bien-être, une impression d'aisance et de plénitude.
 
La géographie douce des volumes patiemment élaborée, l'ampleur des surfaces rondes et sensuelles disent 1a nature tranquille et sereine, solide et si sensible à 1a fois de cette artiste. C'est tout un monde d'évocation, de mouvances, d'épousailles et de simplicité qui compose son répertoire créatif, animé d'une patience sans faille.
 
Son souci d'harmonie n'a de cesse de nous placer face à une synthèse du corps et de l'esprit, à un accord entre le plein et le vide, dont en son oeuvre comme en notre existence, il nous est donné la liberté d'aimer l'équilibre.
 
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Annie Palisot 82 - Libre parcours  (Evelyne Cramer)
 

Quand elle entre dans l’atelier de Jacques Moeschal, en 1961, Annie Palisot
pratique déjà la céramique. En s’inscrivant aux cours de l'Académie des Beaux-Arts de
Bruxelles, elle poursuit un but précis : créer une sculpture qui ne soit pas simplement
un objet. L'enseignement du maître rencontre son souhait. Qui donc plus que Moeschal
aspire a une sculpture qui, par delà l’individu, s’adresse au groupe, à la société, à
chaque homme avide de fraternité? Dans l’atelier de la rue du Midi, Palisot travaille,
travaille, seule; un peu à l'écart. Moeschal la guide sans hâte dans la quête de la forme
pure.
 
Un an après sa sortie de l’Académie, Annie Palisot revient dans l’atelier de Moeschal à
la demande de celui—ci, Durant trois ans, elle sera son assistante et mettra son propre
travail en veilleuse, totalement engagée dans sa tâche de pédagogue
 
En 1967, une première distinction, le Prix Olivetti de sculpture, couronne le travail
de Palisot dans une pièce maîtresse de cette époque, «Dialogue Spatial».
Les volumes, géométriques, sont légèrement « hard edge», les symétries emboîtées se
répartissent harmonieusement en masses pondérées.
 
Taillées dans la pierre de France ou dans le marbre, ou modelées puis fondues en
bronze, les réalisations de Palisot répondent toutes alors à ces critères de rigueur à
travers lesquels les préceptes de Jacques Moeschal sont encore nettement
perceptibles. Oeuvres sages, disciplinées, d’une abstraction parfois un peu stricte.
 
Les débuts d’Annie Palisot sont prometteurs, mais, selon elle, la récompense vient
trop tôt et l’encouragement à la création a un effet paradoxal d’arrêt, de pause, de
réflexion.
 
A la fin des années '60, s’ouvre une période d’intense activité centrée sur le dialogue
avec la matière. L’artiste se familiarise avec les techniques de soudure, abandonne la
pierre de France (trop tendre) et lui préfère les gros éclats de petit-granit.
 
Après un premier dégrossissement, le doute, les questions, surgissent qui trouvent
leurs réponses dans le travail en gestation. Dans cette étroite relation par masse et
pointe interposées, Annie Palisot collabore, sans projet préalable, avec la pierre qui
résiste avant d’être apprivoisée.
 
Cette domestication du matériau, Palisot la poursuit: entre autres lieux, aux Avins-en-Condroz, lors des rencontres de sculpteurs qui y ont lieu chaque été. C'est pour elle
l’occasion de sculpter de grandes pièces et de vivre l’expérience, difficile pour cette
solitaire, de concilier son goût du contact avec d’autres artistes et son impérieux
besoin, si pas d’isolement, du moins de recul, de distance face à son travail et celui de
ses compagnons.
 
L'œuvre gagne en liberté ce qu’elle perd en rigueur. Pas à pas, l‘élève s’éloigne du
maître et conquiert son propre espace.
 
Les résultats de ces efforts sont lisibles dans "Au temps de la moisson" de 1978 et
de "Ascese et divination" de 1979. Oeuvres compactes, masses imbriquées, leurs
silhouettes ne sont plus anguleuses, mais adoucies, leur épiderme conserve les traces
de l'acte créateur.
 
Les forces contenues, à l’état embryonnaire, dans ces œuvres. se libèrent dans
deux autres séries de sculptures.
 
La première est celle de «La paranoïa dans la vie des mollusques» de 1978, et de
«Vie des fruits entre lumière et crépuscule» de la même année. Volontiers élancés, il ne
suffit pas de voir, de regarder de tous côtés ces volumes protéiques en pleine
expansion, mais il faut les percer à jour, y débusquer le vide, le passage, l’espace
intérieur. Les lignes se sont assouplies, les contours, multipliés.
Ces plâtres devraient être coulés en bronze, mais le processus est onéreux et ces
pièces, immaculées, s'imposent à nous dans une pureté presque immatérielle. Les
doigts de l'artiste ont dégagé des plans parfaitement lisses et, délimité sans violence
par des arêtes sinueuses, le jeu des surfaces est mis en valeur par la lumière.
 
La seconde série de sculptures « libres» mérite quelque explication. Comme nous
l’avons précédemment souligné, depuis plus de vingt ans, Annie Palisot se préoccupe
en effet de travaux de céramique qui lui procurent une détente d'artisan dans son travail
d’artiste sculpteur. Dans le courant des années ’70, elle approfondit cette technique et
réalise de nombreux essais sur la terre-à-grès. Travaillé au colombin, nécessitant une
monocuisson à haute température, les grès relativement peu coûteux supporte très
bien les variations climatiques extérieures. Recouvert d’un fin engobe, il présente,
outre l’avantage d’une surface agréable au toucher, la douceur d’une teinte terreuse
très nuancée.
 
L'expression d'un bonheur intérieur éclate dans ces dernières œuvres, vivantes,
dynamiques, jamais entièrement mises à nu par l’oeil du spectateur qui ne se contente
plus du regard, mais, physiquement attiré, s‘adonne au plaisir de la caresse.
 
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Sculpteur et céramiste (1932-2016)
Annie Palisot
 




















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